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Ce blog est né du désir de mieux faire connaître la profession d'orthophoniste. Merci de votre passage !

mardi 27 décembre 2011

Il angoisse


Bref.
Il angoisse.

C’est malin, tiens. Ça fait deux ans qu’il porte ce projet. Qu’il se bat. Qu’il passe des coups de fil. Qu’il se déplace. Fait le charmeur. Ouvre les portes fermées. Toujours franc du collier. Aucune manœuvre douteuse. Droit dans ses bottes, mais déterminé. Toute sa vie, ça. Hier on lui a annoncé officiellement que c’était bon. Il a réussi. Le tapis rouge est déroulé. Il a ce foutu poste. Directeur architecture. Il va gérer les infrastructures de toute l’informatique du groupe. Sans lui, la belle entreprise CAC 40 du grand chef qui postillonne dans les médias ne sera rien. Lui qui n’a même pas le bac. Il est fier. Pas revenchard. Juste fier. Il ne doit rien à personne. Il a bossé comme un dingue.

Mais il angoisse.
Ses potes lui disent :
C’est le trac des grands rendez-vous, ça passera !
Sa femme lui dit :
Dès que tu y seras, ça ira !

Ils sont allés au restaurant. Elle avait organisé la soirée pour fêter sa promotion. Elle était belle. Robe grise et bottes rouge. Rouge à lèvres flashy. Chignon-n’importe-comment, comme elle dit. Lui prétend que c’est du n’importe comment vachement étudié. Elle se tait sur le sujet. Secret de fille. Belle soirée. Bon vin. Ça l’a un peu grisé. Il s’est vu beau et fort dans les yeux de sa chérie. Bon pour le moral.


Il est flatté de la confiance de ses proches. Sauf qu’il est loin d’être aussi optimiste. Il voulait ce poste. Il sait qu’il est compétent. Qu’il le mérite. Qu’il sera bon. Mais il sait aussi qu’il faudra rédiger des docs. Des tas de docs. Relire celles que feront ses gars. Les corriger. Envoyer des mails. Répondre aux mails. Des centaines par jour. La même chose qu’aujourd’hui, mais puissance 10. Et ses petits arrangements actuels, quasi invisibles, ne vont pas tenir longtemps.
Il va en chier. C’est clair et net. Aucune illusion de ce côté. Trop longtemps qu’il se traîne ses difficultés de lecture et d’écriture pour croire encore à un miracle. Il s’en est cru capable. Maintenant qu’il a le poste, il en doute. Pied du mur.


Bref.
Il angoisse.

Il a fait toute sa carrière à la tchatche. Pas d’arnaque là-dedans. Tous ceux qui se sont laissé prendre ont été ravis de ses compétences. Il est bon, il le sait. A l’oral. Il est rentré simple apprenti. On l’avait jugé inapte à poursuivre des études classiques plus longtemps. Ses parents ont laissé faire. Modestes. Démunis. Il les aime. Il a tout fait à la débrouille. A la je-t’anime-ta-réunion-tu-me-rédiges-mon-mail. Tu-me-décortiques-ce-document-je-gère-pour-toi-la-présentation-qui-t’angoisse. Il a toujours troqué l’écrit contre l’oral. Toujours trouvé des gens que le deal arrangeait. Donnant-donnant.
Maintenant ça va se compliquer. Il faudrait vraiment, pour fêter sa promotion, qu’il se penche sur ses difficultés avec l’écrit.

Bref.
Il a besoin d’un orthophoniste.


Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste.

Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles du langage écrit (dyslexie, dysorthographie, dysgraphie)



mardi 20 décembre 2011

Il regarde la table


Bref.
Il regarde la table. Belle-maman s’est surpassée. Décoration parfaite et pléthore de plats. Il y a de quoi nourrir un régiment. Ça tombe bien, la famille entière est réunie. Sa femme a trois frères, ils ont tous des enfants. Ça fait du peuple.

C’est Noël.

Il avale sa salive. Les gosses sont en train de deviser à l’étage. Les filles doivent se raconter leurs trouvailles de filles. Séries télés à la mode. Coiffures. Fringues. Mecs. Les gars doivent échanger leurs trucs de gars. Le dernier jeu vidéo qui déchire tout. Le dernier album de métal. Les meufs.  Courru d’avance. Mais il les connaît. Ça cause sûrement aussi écologie et justice sociale. Politique. Economie. Monde à refaire, à penser autrement. Ils ne le disent pas avec ces mots-là. Mais ils cogitent sur le sujet. Leurs grands enfants sont chouettes.


Il détaille le buffet. Connaissant belle-maman, elle ne s’est pas fournie chez Leclerc. Pas le genre. Chaque bouchée va être un délice. Il aime sa belle-mère. Tant pis pour les clichés. Sa mère à lui le gonfle. Sa belle-mère est un bonheur.


Il traîne un peu à l’écart. La pièce est grande. Là-bas, ça papote et ça s’embrasse. Tout le monde est arrivé presqu’en même temps. Les enfants sont montés direct. Les adultes sont plus lents à s’installer. Marie a encore son manteau sur le bras. Bernard n’a pas posé son sac de cadeaux. Martine parle avec deux de ses belles-sœurs en même temps. Joyeuse ruche des retrouvailles de fin d’année.


Bref.
Il est heureux.

C’est con à dire. Ça fait des années qu’il dit qu’il déteste Noël. Il ne sait même plus si c’est vrai, ou juste une posture. Ça l’amuse. Mais là, c’est Noël, et il est heureux. Il a craint de ne pas être là. Le mot cancer n’est jamais agréable à entendre. Surtout quand on parle de vous.

Martine l’appelle :
-          Chéri, tu boudes ?
Il répond :
-          Non. J’inspecte la table. Je suis inquiet. Je pense qu’on va manquer.

 Eclat de rire. Simone relance :

-          Pierre, méfie-toi. Si tu te moques trop, je t’attache à ta chaise. Tu ne repartiras qu’une fois que tu auras fini tous les plats.


Re-éclat de rire général. Sauf lui et Martine. Eux, ils savent. Un flottement dans leur regard. Puis ils sourient quand même. C’est la fête. Pour eux aussi.

Bernard débouche le champagne. Simone lève son verre. Elle est émue :
-          A la guérison de Pierre !
Sa voix tremble. Son sourire est lumineux. Elle aussi est heureuse.

Pierre lève son verre. Il remercie. Il décide de boire une gorgée. Il y tient, après ce toast si touchant. Il y va doucement. Très doucement. Il a la trouille. Ça passe.

Il est guéri. Bien sûr, il sera surveillé de près. Mais les analyses, après l’opération étaient parfaites. Le chirurgien a enlevé un bout du larynx. Il ne sait pas bien ce que c’est, le larynx. Il est guéri. Mais depuis l’opération, il passe sa vie à avaler de travers. Pas pour rigoler. Mardi dernier, il a cru qu’il allait y rester.

Maintenant, il a vraiment peur.


Il regarde sa coupe de champagne, jette un œil vers le buffet si appétissant. Il ne sait pas ce qu’il osera tenter d’avaler de tout ça.


Bref.
Il a besoin d’un orthophoniste.


Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles de la déglutition

Il traîne au lit

Bref.
Il traîne au lit. Sa mère est déjà passée. Elle a lancé :
-          C’est l’heure, debout !
Avec une voix joyeuse et dynamique. N’importe quoi. Une voix joyeuse à neuf heures du matin un mercredi. Non mais franchement. A neuf heures du mat un mercredi, on dort. Enfin quand on est normal, quoi. Même à dix heures d’ailleurs. Voire à onze. Enfin pour aujourd’hui c’est foutu. Il a répondu :
-          Mrfffff pfiuh grmblllll
Ou quelque chose d’approchant. A mis son oreiller sur sa tête. Surtout, bien marquer sa désapprobation. Se lever le mercredi, ça craint. Et en plus, pour aller chez l’orthodontiste, merci bien. Bonjour le plan foireux.

Il ne s’est pas coiffé. Maman a dit :
-          Quand même, Oscar, tu pourrais faire un effort.
Il a grommelé :
-          C’est pas une heure pour les efforts.
Ambiance…

Un pied dans l’adolescence, l’autre qui trainaille un peu encore sur la marche du dessous. Il hésite. Fait valoir ses droits à l’opposition bête. Mais doute encore lui-même d’avoir la carrure pour ça. Besoin d’être rassuré. L’appareil dentaire, ça lui fout la trouille. Tout simplement. Sa mère en mettrait sa main au feu.

L’orthodontiste est un gars souriant. Pédagogue. Il emballe l’affaire en deux temps trois mouvements auprès d’Oscar. Sa mère ne dit presque rien. Ils règlent ça entre hommes. Ils font même des vannes ensemble. Oscar aura des bagues. A vue de nez, pendant à peu près deux ans. Le temps de se peaufiner un sourire de tombeur. Après il pourra draguer peinard.

-     Il y a juste une chose. Il faudra muscler ta langue et rectifier sa position. Elle est trop en avant. Si tu ne fais rien, dès qu’on enlèvera l’appareil, tes dents recommenceront à faire n’importe quoi. Ce serait dommage.

 Oscar pense :
-          Pour être dommage, ça serait dommage, de se trimballer avec de la ferraille sur les dents pendant 2 ans pour rien.
Maman pense :
-          Pour être dommage, ça serait dommage, vu le prix du traitement.

Pour une fois, ils sont d’accord. Ça mérite d’être noté. Ce n’est pas si fréquent en ce moment. 

Bref.
Ils ont besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles de la déglutition

jeudi 15 décembre 2011

Elle enlève ses lunettes


Bref.

Elle enlève ses lunettes. Elle se frotte les yeux. Ça l’agace, bon sang, ça l’agace ! Lire est son plaisir suprême. Ça fait plus de cinquante ans que ça dure. C’est encore plus flagrant depuis qu’elle est veuve. Mais depuis quelques temps, elle n’y voit plus. Elle n’arrive plus à lire. L’ophtalmo lui soutient que sa vue est stable. Cette bonne blague.

Elle se frotte les yeux.

Elle s’est installée confortablement, dans son fauteuil. Un vieux crapaud hors d’âge. Entre la petite table à ouvrage –bien longtemps qu’elle ne coud plus, mais elle est jolie- et la bibliothèque. Sous le portrait de l’aïeul. Parfaitement démodé, soit dit en passant. Le portrait, s’entend. L’aïeul ne se pose plus la question d’être à la mode depuis bien longtemps. Là où il est, ça importe peu.

Elle regarde autour d’elle. Elle n’a pas l’impression de voir plus mal. L’ophtalmo marque un point. Elle regarde son livre. Impossible de lire distinctement. Ça l’agace. Elle l’a déjà dit ? Et bien elle va le redire. Ça l’agace ! Sa carcasse vieillit, il faut croire. Pas grand-chose à y faire. Mais la vue, c’est un sale coup. Elle a combattu vaillamment un cancer, quelques années avant. A accepté de ne plus pouvoir manger comme elle veut. De manquer de mobilité. D’être plus fatigable.  

Mais ne plus pouvoir lire, pour elle, c’est vraiment un sale truc. Vraiment. Du genre Mozart qu’on assassine. Ou Zola. Enfin quelque chose du genre.

Bref.
Ça l’agace.

Elle songe à ce déjeuner, dimanche dernier. Autour de la table, il y avait son fils et sa belle-fille. A un moment elle a dit :
-          Attention, Paule, vous allez tâcher la nappe.

Sa belle-fille l’a regardée. Elle a précisé :
-          Il y a une goutte de café au bord de la verseuse.
Paule a répondu en riant :
-          Votre vue n’est pas si mauvaise que ça, Jeanne !
Sa table est immense. Ça l’a troublée. Paule a dit vrai. Pour distinguer cette goutte de café en train de tomber, il faut incontestablement de bons yeux. Mais enfin, deux heures plus tôt, elle avait sorti du placard une boîte de petits pois au lieu des champignons. Incapable de distinguer les deux. C’est incompréhensible !

Elle pose son livre. Elle ne peut pas lire. Elle allume la télé. Elle sait déjà qu’il n’y aura rien d’intéressant. Ça l’agace. Encore et toujours.

Elle repense au neurologue. Scanner du cerveau, il y a deux mois. Elle était si fatiguée. Il avait dit :
-          Il y a plusieurs traces d’accidents vasculaires cérébraux anciens. Petits. Ils ont dû passer inaperçus sur le moment.

Il avait ajouté :
-          Vous n’êtes gênée pour rien, dans votre quotidien ?
Elle avait répondu par la négative.

Vraiment pénible, la télé. Elle se dit qu’elle devrait retourner demander conseil au neurologue. S’il y a quelque chose à faire, pour la lecture, elle est preneuse.

Bref.
Elle a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des fonctions du langage oral ou écrit liées à des lésions cérébrales localisées (aphasie, alexie, agnosie, agraphie, acalculie)

mercredi 14 décembre 2011

Dans la glace

Bref.
Il se regarde dans la glace. Il passe en revue mentalement sa journée à venir. Merde ! Il avait oublié. Ce soir il voit l’instit de son fils. Le truc parfait pour pourrir son mardi. Oh, joie !

Il connait le discours par cœur. C’est à chaque rendez-vous la même chose. L’instit dit :
- Il n’est pas concentré.
Et lui il pense :
- Comme on dit chez Nestlé !
Mais en vrai il répond :
- C’est embêtant.
Avec l’air pénétré. Parfois il se dit qu’il devrait VRAIMENT répondre une vanne à deux balles. Ça désamorcerait peut-être la litanie.
- Il manque de maturité.
- Le graphisme est encore très mauvais malgré les trois séances de soutien.
- Il n’a jamais les bonnes affaires
- Il ne peut absolument pas faire un jeu collectif en sport
- Il ne sait pas compter.
- Les acquisitions en langage écrit sont laborieuses.
Les griefs se superposent les uns aux autres dans son esprit. Il finit par ne plus comprendre. Bouillie dans ses oreilles. Puis par ne plus écouter.

Tout ça est sans aucun doute vrai. Il n’est pas idiot, ni aveugle. Et il connait Thibaut. Il le voit bien, à la maison, au parc, l’été dans le jardin de la maison de vacances. Il sait bien qu’il est pataud comme pas permis. Maladroit au possible. Qu’il a des repères plus que fragiles. Qu’il fait souvent les choses en dépit du bon sens. Que sa tête a l’air aussi capharnaüm que sa chambre, ce qui n’est pas peu dire. Que beaucoup de leurs amis le trouvent bébé.

Il a cessé de vouloir lui apprendre à faire du vélo. Trop la quatrième dimension.

Il se secoue. Il va finir par être en retard. C’est pas le tout de songer. Il a aussi un boulot. Le tableau électrique de Mme Laurent ne va pas se refaire tout seul.

Il descend. Sa femme et les enfants sont en train de partir. Il fait des bisous, et se dirige vers la cuisine. Au programme : petit-dej express. Il n’est pas en avance.

Il sait que l’instit dit vrai. Ce qu’il ne comprend pas, c’est l’intérêt de répéter ça en boucle tous les quinze jours. Thibaut est comme il est. L’école est là pour l’aider, non ? Il n’est qu’en CP. Il a du temps devant lui.

Il a souvent l’impression de devoir se sentir coupable. Merci bien. Y’a pas moyen.

Il sait, aussi, que sa fille aînée a grandi sans goûter à ce bazar. Il se doute bien que ce n’est pas un passage obligé. Ils en parlent souvent avec sa femme. Ils ne savent pas vraiment quoi faire. Parfois ils se fâchent. Il faut peut-être simplement être plus exigeant avec Thibaut. Ou peut-être pas. Difficile de le comprendre, ce loulou, en fait.

Bref.
Ils ont besoin d’un orthophoniste.
Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste.
Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles du langage écrit (dyslexie, dysorthographie, dysgraphie) et des dyscalculies.

mardi 13 décembre 2011

Il s'engage sur le petit chemin


Bref.
Il s’engage sur le petit chemin. Les cailloux crissent sous ses roues. Il adore ce bruit. Des souvenirs d’enfance. Le bruit des cailloux sous les roues, l’odeur du pain grillé, la petite rivière en bas du jardin. C’est un tout. Qui rime avec bonheur.

L’enfance est loin désormais. Il n’en regrette rien. Il en a bien profité. Maintenant il profite d’autre chose. La nostalgie l’emmerde à cent sous de l’heure. Mais il aime toujours autant cet endroit. Il coupe le moteur. Il jette son chewing-gum. Elle n’aime pas ça. Il se recoiffe dans le rétro. C’est sans doute idiot. Il aime être présentable quand il va la voir. Elle mérite bien ça.

Il tourne la clé dans la serrure. Il a un trousseau, maintenant. C’est le médecin qui l’a conseillé. Cette fameuse fois où elle n’ouvrait plus. Où tout le monde avait eu peur. Où les pompiers étaient venus. Elle n’avait rien. Elle pensait que les gens qui frappaient à la porte étaient des voleurs. Elle s’était retranchée dans sa chambre.

Il ouvre et il lance :
- Bonjour Mamé, c’est Antoine !
Il entend des pas mal assurés. Elle arrive. Il est 14h00. Elle est en robe de chambre.
- Antoine ! C’est gentil de venir me voir ! Mais pourquoi aussi tôt ? Je n’ai pas encore pris mon petit déjeuner.
Il répond qu’il est trop tard pour le petit déjeuner, qu’il va faire à manger. Il dit :
- Va te préparer, Mamé, la salle de bain te tend les bras !
Elle sourit et elle y va.

Il inspecte le frigo. Le rangement est pour le moins approximatif. Comme toujours il commence par trier. Jette ce qui est périmé. Elle ne le fait plus. Il casse des œufs, ouvre une boîte de champignons. Et une omelette, une !

Il est venu lui dire :
- J’ai embauché une aide à domicile.
Il est inquiet. Il ne veut plus la laisser seule aussi longtemps. Mamé et lui, c’est une grande histoire. Il n’a jamais connu son père. Il a grandi avec sa mère. Petit appartement parisien. La maison des grands parents était presque SA maison. Papé était mort assez jeune. Quand sa mère était partie travailler au japon, ils étaient restés tous les deux. Mamé et lui.

Ça fait deux ans maintenant que l’état de Mamé s’aggrave. Ça a commencé par la cuisine, justement. Elle ne voulait plus l’inviter à manger. Elle n’arrivait plus à préparer ses légendaires repas. Trop compliqué. Insurmontable. Maintenant elle oublie de plus en plus de choses. Se perd dans le temps. Réagit parfois bizarrement. Ne sait plus utiliser certains appareils de sa maison.

Il n’a pas eu besoin du médecin pour comprendre que ça irait en empirant. Intuition de petit-fils. Il a appelé sa mère. Elle a proposé de revenir vivre en France. Il a dit qu’il pouvait gérer.

Elle sort de la salle de bain. L’habillement est approximatif, mais elle est présentable. Il la trouve belle. Ils s’installent à table.

Il passe tous les deux jours. Il déteste plus que tout qu’on lui dise que sa grand-mère « perd la tête ». Rien ne se perd, c’est connu. Ce qu’elle peut dire, ce qu’elle peut donner à voir et transmettre, s’effiloche petit à petit. Oui. Mais ça reste Mamé. Il fera tout ce qu’il peut pour qu’elle soit portée, aidée. Pour que la trame de ses savoirs, de ses souvenirs, de tout ce qui la fait femme, ne s’éparpille pas trop vite. Et pour que, lorsque des flocons s’en évaporeront, elle soit accompagnée pas à pas.

Il sera là. Il sait que c’est essentiel. Il sait aussi que ça ne suffit pas.

Bref.
Il a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste
Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: le maintien et l'adaptation des fonctions de communication dans les lésions dégénératives du vieillissement cérébral.



Il boude


Bref.
Il boude. Enfoncé dans le canapé, il ne bouge pas. La vraie de vraie bouderie. Visage fermé, regard noir, et moue… heu… comment dire ? Boudeuse. C’est le terme. Logique.

Elle le regarde en pliant le linge. Elle n’a pas tout suivi. Une fâcherie avec la grande sœur. Ou avec le grand frère. Ou avec les deux. Une histoire de billes. Ou de doudou. De petite voiture. D’intrusion non autorisée dans la chambre des plus grands. Allez savoir. Il paraît que ça n’est pas toujours simple d’être le petit dernier. Mouais. Ça a ses avantages aussi.

Elle a envie d’une cigarette. Tiens donc. Elle n’en fumera pas. Surtout ne pas balayer six mois d’abstinence d’un revers de main. Non mais oh ! Elle s’épluche une clémentine. Elle en propose un quartier à Baptiste. Fin de non-recevoir. Il boude toujours.

Lise débarque avec son cahier. Besoin d’une explication pour un problème de maths. Va
voir papa, ma puce, il bricole à la cave. Lise chipe un quartier de clémentine. C’est de bonne guerre. Hugo reste invisible. Il doit écouter son MP3. Il est grand, il faut bien que ça se sache. Début d’adolescence. Souvent il dit :
- Maman, tu m’saoules.
Et elle se retient de répondre :
- Et réciproquement, mon fils.
Mais ça n’est pas le sujet du moment. Elle a fini sa clémentine. Elle va s’assoir à côté de Baptiste. Il a quatre ans et demi, ça laisse un peu de temps avant l’adolescence. Ouf. Elle dit :
- Tu es triste ?
Il ne répond pas. Il fait mine de la taper. C’est fréquent. Cette fois il s’arrête avant. Il n’arrive pas à expliquer ses colères. Pas les mots pour ça. Il faut bien que ça sorte autrement. Il dit :
- Pas zentil, Hugo.

C’est déjà beaucoup. Parfois il ne dit rien du tout. Elle le prend contre elle. Elle n’en saura pas plus. Si elle insiste, elle appuiera sur l’impuissance de son petit. Elle se tait. Elle le berce un peu. Elle pense à ces foutues otites qui ont pourri la santé de Baptiste quand il était plus petit. C’est fini, maintenant. Il entend bien. Est en pleine forme. Mais il parle mal. Ne comprend pas
toujours tout. Son instit aussi le dit.

Elle allume l’ordi. Elle veut lui mettre le clip des « aristochats », il adore. Ça devrait le calmer. Il s’emballe. Elle dit :
- Attend, je règle l’écran!
Baptiste répond :
- Qui, grand, maman ?

Elle soupire. Elle aimerait que son petit s’épanouisse, grandisse, qu’il communique et qu’il parle mieux.

Bref.
Elle a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste
Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants:
la rééducation des troubles de l'articulation, de la parole ou du langage oral quelle qu'en soit l'origine.


Dans la cuisine


Bref.

Elle s’active dans la cuisine. Elle papillonne, elle virevolte, elle mélange les épices et les herbes aromatiques. C’est son petit plaisir, la cuisine. Elle modifie les recettes, elle marie les saveurs, elle improvise. Généralement c’est plutôt réussi.
Son portable vibre. Elle ne répond pas. Elle va allumer la radio. Elle remue un peu la sauce. Ça sent bon. Elle pense à Elisa. A cette heure-ci, elle est en cours de maths. Enfin elle croit. Elle ne connait pas l’emploi du temps de sa fille par cœur. Elisa est assez grande pour le gérer toute seule. En seconde, d’ailleurs, c’est heureux !

Elle rajoute du curry. Elle goûte. C’est mieux. Elle laisse mijoter un peu. Elle va regarder ses mails. Trois du boulot, elle soupire et ne les ouvre pas. Ça lui manque, le boulot. Pas d’autre message. Ça lui manque aussi. C’est fou comme on se sent vite seul au monde quand on est en arrêt de travail.

Elle émince quelques carottes. Ça ira bien avec le reste de sa préparation. Un genre de poulet à l’indienne. Ça plaira à Elisa. Elle aime bien leur vie à deux. Complicité et tendresse. Elisa a raisonnablement bien vécu le divorce.

Elle baisse un peu le feu. Encore une fois, elle doit se faire violence pour ne pas chantonner.

D’habitude, elle chantonne tout le temps. Sous la douche, dans sa voiture, en travaillant. Et, donc, en cuisinant. Surtout en cuisinant, d’ailleurs. Mais le médecin a été formel. Repos vocal absolu.

Elle reçoit un SMS. Florence lui propose de déjeuner en ville demain. Elle répondra non. Elle adorerait, Florence et elle c’est rigolade assurée. Mais le médecin a dit : repos vocal.

Elle retire la casserole du feu. Elle goûte. Rajoute un peu de sel.

C’est sa thyroïde. Ça fait longtemps qu’elle a des soucis. L’endocrinologue a fini par dire qu’il fallait l’opérer. Tout le monde l’a rassurée. Ce n’est rien. Une affaire qui roule. Elle est partie à l’hôpital le cœur léger. Même pas inquiète. Pas son genre.

Elle s’est réveillée. Elle avait mal. Les infirmières ne disaient rien de particulier. Elle pensait à Elisa. A improviser un nouveau dessert au gingembre. Elisa adore le gingembre. Elle avait mal. Plus tard le médecin est passé. Il a dit quelque chose, à propos d’un nerf et des cordes vocales, elle n’a pas bien compris. Elle avait mal. Il est repassé encore plus tard. Il a réexpliqué, il y a un nerf qui passe au milieu de la thyroïde. Il sert à faire vibrer les cordes vocales. Il a été abîmé dans l’opération. Elle n’avait plus mal, ils lui avaient donné un médicament.

Elle est rentrée chez elle. Elle ne sait pas exactement si elle re-chantonnera un jour en mijotant ses improvisations culinaires. Ni la voix qu’elle aura si elle y parvient. Elle se dit que ça n’est pas si grave, c’est toujours mieux que le cancer du sein de Florence.

Mais elle aimerait bien re-chantonner. C’est plus gai, la vie, en chantonnant.

Bref.
Elle a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste
Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles de
la voix d'origine organique ou fonctionnelle



Il patouille ses céréales


Bref.
Il patouille mollement ses céréales. Sa cuillère décrit des genres d’arabesques irrégulières dans son bol. Il soupire. Les pétales soufflés au miel se délitent doucement. Il préfère ceux au chocolat. Maman s’est encore trompée. Il se lève. Il va boire un coup au robinet de l’évier. Il revient s’assoir.

Il n’aime pas l’école. Alors forcément, il n’aime pas beaucoup les lundis matins. Il n’a jamais très faim, le lundi matin. Le dimanche, c’est différent. Souvent, papa va chercher des croissants. Lui, il fait des blagues, et maman rit fort. Sa petite sœur aussi. Le lundi, tout le monde court. C’est nul, le lundi.

Il aimerait bien aimer l’école. Il aime apprendre. Il voudrait être chercheur, plus tard. Sa maîtresse est gentille. Il joue au foot à la récré. Il y a Quentin et Lucas et ensemble ils jouent aux cartes Pokemon ou aux toupies Beyblade. Même la cantine est plutôt sympa. Et puis il y a Lucie. Elle a de longs cheveux blonds, Lucie.

Il aimerait bien aimer l’école, mais il y a les dictées. Les sujets, les compléments d’objets directs, et les verbes. Il y a les a-avec-accent et les a-sans-accent. Les f qui s’écrivent f et les f qui s’écrivent ph. Il y a les s qui font s et les s qui font z. « Et » à la fin de paquet alors que c’est « ai » à la fin de balai. Un genre de jungle. D’abord, il n’y comprend rien. Ensuite, quand par hasard il comprend, il ne retient pas. Et quand par miracle il retient, il ne pense jamais à l’utiliser à la dictée. Il a toujours zéro.

Il y a aussi les « questions de compréhension » sur les lectures. Et lui, c’est rare qu’il comprenne tout, à la lecture. Il ne sait pas pourquoi. Quand on lui raconte, il comprend tout et retient très bien. Mieux que Lucas et Quentin. Mais pas quand il lit.

Maman dit :
- Ce que tu peux être étourdi, Martin !
Mais heureusement, elle lui fait quand même des câlins. Parfois il a peur du jour où elle n’en aura plus envie. A force qu’il soit étourdi. Papa répond :
- Arrête avec ça, Marie !
Mais il ne fait pas trop de câlins. C’est pas son genre, à Papa.

Il n’est pas triste. Pas trop. Mais ça l’embête, tout ça. Ça l’embête vraiment.

Ce qu’il aime, lui, à part les céréales au chocolat, c’est regarder tous les « c’est pas sorcier » en DVD. Comprendre. Refaire les expériences. Expliquer à Papi et Mami comment ça marche, une écluse, un orage, un volcan. Il épate tout le monde. Il est fier. Il se demande souvent pourquoi en Français, il comprend rien, alors qu’en sciences, il comprend tout.

L’autre jour, la copine de maman a dit qu’il était peut-être dyslexique et dysorthographique. Elle a répété plusieurs fois, même maman trouvait que c’était compliqué, comme mots. Elle a dit :
- Tu sais, Erwan aussi est dyslexique. Depuis qu’on le sait, on ne se fâche plus. On sait mieux comment l’aider autrement pour son travail.
Et puis elle a repris un sablé dans la petite assiette du goûter.

Il ne connait pas Erwan. Il ne sait pas ce que ça veut dire, dyslexique.

Ce qu’il a retenu, c’est que des fois, on pouvait aider les enfants autrement pour leur travail. Il se dit qu’il aimerait bien qu’on l’aide.

Bref.
Il a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste.

Art. 3. L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles du langage écrit (dyslexie, dysorthographie, dysgraphie)



lundi 12 décembre 2011

Elle marche dans la rue


Bref.
Elle marche dans la rue. Il fait beau. Ou peut-être pas. Elle s’en fiche. Elle s’arrête à la boulangerie. Elle dit :
- Bonjour, je voudrais une baguette.
Et la boulangère lui tend une baguette. Le monde est bien fait. Elle paye. Elle ressort. Elle grignote le croûton encore chaud. A bien y regarder, il fait beau. Par contre il fait froid. Elle a bien fait de mettre un gros pull ce matin. Elle est contente d’avoir pris sa journée. Elle va boire du thé. Se promener en chaussettes dans l’appartement. Manger du raisin sur le canapé. Ou peut-être des bananes séchées. Lire un livre en commençant par regarder la fin. Boire encore du thé.

Bref.
Il se gèle. Il n’a pas voulu mettre un pull ce matin. Sa femme a été plus prudente. Son bureau est mal chauffé. Ça le gonfle. Il va chercher un café. C’est chaud. Par contre c’est pas très bon. Il continue à se geler. Il essaye de se concentrer sur son écran. Il se fout complètement de ce budget prévisionnel qu’il doit établir. Il se gèle. Il aurait dû prendre sa journée aussi. Il serait resté avec sa femme. Ils seraient allés au cinéma. Au resto. Ça leur aurait fait du bien.

Bref.
Elle sort marcher un peu. Elle est songeuse. Elle manque de traverser sous les roues d’une voiture. Elle s’arrête juste à temps. Le conducteur a freiné. Il a sûrement eu peur. Il baisse sa vitre. Il l’engueule. Il hurle :
- Putain mais vous m’avez pas entendu ? Faut faire un peu gaffe, merde !
Elle pense que non, elle ne l’a pas entendu. Mais c’est parce qu’elle était perdue dans ses pensées. Pas grave. Alors que sa petite fille de 6 mois, elle, n’entend pas tout court. Le médecin a été formel, hier. Elle a envie de pleurer.

Bref.
Son boulot l’emmerde depuis longtemps. Aujourd’hui, c’est le pompon. Il voudrait être ailleurs. Dans un endroit où sa fille ne serait pas sourde. Son collègue passe la tête par la porte. Il ne
l’aime pas. Il dit :
- Ben t’es sourd ou quoi, ça fait trois fois que je toque à ta porte !
Il répond :
- Peut-être. Ou alors c’est juste que j’ai pas envie de te voir.
Il prend sa veste. Il part.

Ils boivent un café ensemble, pas très loin de chez eux. Ils se tiennent la main. Ils parlent de leur petite puce. De son avenir. Ils voudraient le meilleur pour elle. Qu’elle se débrouille. Qu’on la respecte. Qu’elle soit heureuse.

Bref.
Comme tous les parents.

Bref.
Ils ont besoin d’un orthophoniste.



Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation et la conservation de la voix, de la parole et du langage, la démutisation et l'apprentissage de la lecture labiale, y compris dans le cas d'implants cochléaires ou d'autres dispositifs de réhabilitation ou de suppléance de la surdité

Elle regarde le vase


Bref.
Elle regarde le vase sur sa table et elle sourit. Il est affreux. C’est pas grave. De toute façon elle n’aime pas le bleu, et le vase est bleu. Elle n’aime pas les vases non plus. Ça prend la poussière. Mais celui-là lui plaît quand même. Elle mange un morceau de bifteack. Il est trop cuit. C’est pas terrible. Elle tente la purée. Insipide. Elle repense au restaurant d’hier midi. Ça avait quand même plus de gueule. Elle met du sel. Ça aidera peut-être un peu. Juste pour voir, elle essaye de dire « sel ». ça ne marche pas. Elle ne dit rien.
Elle revoit Marion et Lucie, les deux cousines. Les deux chipies. Pendant tout le repas, hier, elles se sont asticotées avec entrain. Marion a dit :
- C’est quoi, encore, cette nouvelle coiffure ?
Et Lucie a répondu :
- Quand on s’habille aussi mal que toi, on ne fait pas de commentaire.
Tout le monde a rit. C’était bon de les avoir près d’elle pour fêter son 78ème anniversaire. Elle a joué à la vieille dame indigne en compagnie de ses petites filles. Elle adore ça. Elle regarde le vase moche sur sa table. C’est un cadeau de Lucie.
Elle remange un peu de purée. Trop mauvais. Elle arrête. Elle a mal à la tête. Elle a envie de voir son jardin. De nourrir son chat. Cet après-midi elle doit jouer à la belote avec Jacques, André, et Isabelle.
Une dame en bleu entre. Elle a un gros nez. Et puis une en rose. Elle a un joli sourire. Ça doit avoir une signification, les couleurs. Leur uniforme n’est pas très seyant. Ça fait un peu sac poubelle. Elle pense que Lucie trouverait à y redire.
Les dames parlent entre elles. Elle voit leur bouche qui bouge, elle entend des sons. Elle ne comprend pas bien. Elle a envie de dire « vous avez un gros nez » à la dame en bleu. Elle ne le dit pas. On ne sait jamais si les gens ont de l’humour ou pas. Elle a mal à la tête. Elle n’a plus faim.
Elle veut demander ce qu’elle fait là. Elle dit :
- Je
Et le reste de sa phrase ne sort pas. Son esprit est très clair. Sa phrase est toute prête. Mais elle ne peut pas la dire. La dame en rose s’approche. Elle dit vous êtes à l’hôpital. Merci, elle avait compris. Elle dit aussi :
- Il y a un vaisseau qui s’est bouché dans votre cerveau. C’est votre petite fille qui vous a amenée.
Elle pense que c’est pour ça qu’elle a mal au crâne. La dame en rose dit encore :
- Vous avez du mal à parler parce que votre cerveau a été abîmé par ce vaisseau bouché.
Elle pense que c’est vraiment pas de chance, parler est un de ses loisirs préférés. Sa facture de téléphone peut en témoigner.

Bref.
Elle a besoin d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des fonctions du langage oral ou écrit liées à des lésions cérébrales localisées (aphasie, alexie, agnosie, agraphie, acalculie)

Quand il s'est levé ce matin


Bref.
Quand il s’est levé ce matin, il a pensé « j’ai un entretien d’embauche ! ». Il était content, vu qu’il rame pour en décrocher. Il s’est fait un café, il était trop excité, il en a mis partout, il s’est refait
un café. Il a chanté dans la cuisine pour s’éclaircir la voix. Un truc ridicule. Il s’est versé son café, il a beurré une tartine, il l’a trempée dans le café. Il a pensé à tous ses arguments. Il a mangé une bouchée de tartine. Il a révisé mentalement ce qu’ils avaient dit à la dernière réunion du pôle
emploi. Sa tartine était trop molle elle est tombée dans son café. Il a tout jeté. Il a dansé un haka qui ressemblait à une lambada dans sa cuisine. Il s’est dit qu’il n’aurait pas dû jeter son café, ça allait lui manquer.
Il a pris une douche. Il s’est regardé longuement dans la glace en se répétant « je vais l’avoir, je vais l’avoir, ce job ». Il s’est rasé. Il s’est habillé en costume. Il a l’air d’un pingouin mais y’a pas le choix. Il a enlevé la chemise rose, vraiment trop ridicule, il a mis la blanche. Il s’est rappelé de Sonia, son ex, celle qu’il aime encore, qui adorait la chemise rose. Il a enlevé la blanche et il a remis la rose.

Il est arrivé au rendez-vous avec le cœur qui battait trop fort. Il a dit :
- Bonjour !
à la secrétaire, et il a entendu environ trente-huits :
- Bonjour
en réponse. Il s’est retourné. Il y avait environ trente-huit personnes qui attendaient. Pour le même job que lui, sans aucun doute. Il s’est assis. Il a pensé « faut pas que je transpire », mais ça n’a pas marché. Il s’est mis à transpirer. Il a pensé à la Bretagne parce qu’il aime bien ça. Ça n’a pas calmé sa transpiration, ni les battements de son cœur. D’autres types sont passés avant lui. Ils sont ressortis en souriant. Ou pas. Il a continué à transpirer. Et puis on l’a appelé. Il est rentré. Il a vu le type derrière son bureau, qui lui a dit :
- Asseyez-vous.
Il a voulu dire bonjour. Il a dit :
- Bbbbbbbbbbbbbbbbb
Et c’est tout. Il s’est levé. Il est sorti en courant. Ça faisait des mois qu’il n’avait plus bégayé.

Bref.
Il a besoin
d’un orthophoniste.

Décret numéro 2002 721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'orthophoniste:
Art3: L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants: la rééducation des troubles de l'articulation, de la parole ou du langage oral (dysphasies. bégaiements)